False Bay
Afrique du Sud
Voyage plongée à False Bay - Cape Town.
Un reportage de Pascal Kobeh
Dans ce "golfe entre les montagnes", appellation d’origine lors de sa découverte en 1488, l’eau n’affiche pas une température tropicale, pas plus qu’elle n’est cristalline. Mais l’endroit est riche d’une vie marine intense, comprenant une grande diversité d’invertébrés, poissons et mammifères marins. L’Afrique du Sud est une de mes destinations fétiches. Pour un budget nettement moins conséquent que certaines destinations de l’océan Pacifique on est quasiment assuré de voir du gros, aussi bien du côté océan Indien que du côté Atlantique.
L’adverbe « quasiment » a ici son importance car d’emblée Jacqui, l’une des responsables du centre de plongée où je vais traîner mes palmes pendant une semaine, douche une bonne partie de mes espoirs. « Ce n’est pas la peine qu’on fasse la sortie des requins makos et bleus (ou peau bleue), ce n’est pas la saison (on est fin novembre), et ils ne sont pas encore là. » Certes, on a beau se répéter que la mer n’est pas un aquarium, que le sel de la plongée (sans mauvais jeu de mots) est qu’elle réserve bien des surprises, bonnes ou mauvaises, je ne peux m’empêcher de faire la grimace. « Cependant, ajoute-t-elle dans la foulée, sur le site des otaries un requin plat-nez (broadnose sevengill shark en anglais) a été observé pas plus tard que la semaine dernière. Les chances de le voir sont donc importantes. »
Les otaries font leur show
Alors va pour les otaries, en espérant apercevoir aussi un « plat-nez ». La (petite) barrière passée, et les dix minutes de navigation accomplies sans encombre sur une mer plus plate au large que les vagues de la côte ne le laissaient supposer, c’est une joie de se retrouver au milieu d’otaries plus joueuses les unes que les autres, voire à la limite de l’agressivité pour l’une d’entre elles. À ce moment les requins sont loin et l’heure s’écoule très vite. Joie des galipettes et autres acrobaties de ces otaries à fourrure d’Afrique du Sud (Arctocephalus pusillus) présentes uniquement sur cette côte et sur celle du sud de l’Australie.
La seconde plongée sur le site d’Atlantis se présente sous la forme d’un double pinacle où les surplombs et le récif surprennent par leurs couleurs. Le rouge flamboyant des gorgones alterne en effet avec le jaune pétant des anémones et des étoiles de mer qui tapissent le fond, en même temps que les boules multicolores constituées par des centaines d’oursins du Cap (Parechinus angulosus). Ces couleurs renforcent le contraste de l’eau, verte, visibilité limitée à quelques mètres oblige. J’ai beau guetter, point de requin plat-nez mais l’agréable surprise d’une roussette sombre (Haploblepharus pictus), toute tachetée qui se glisse dans les anfractuosités des rochers avant de disparaître.
Départ de la plage
Le lendemain, faute d’une météo clémente, deux plongées du bord sont au programme. Je me dis que la nature ne nous facilite pas toujours la tâche et que vouloir photographier les requins peut parfois s’apparenter aux travaux d’Hercule. Heureusement que le plongeur photographe et le charbonnier ont en commun une foi à toute épreuve, car les rouleaux qui venaient s’écraser sur la plage de Long Beach, la si bien nommée, en brassant quelques tonnes de sable n’auguraient rien de bon pour ma quête d’images.
Et pourtant, à moins de 200 mètres du bord, à la profondeur de 6 m, autour de ce qui devait être une petite barcasse, devenue une protubérance recouverte de kelp et d’invertébrés marins se détachant du fond, trois raies pastenagues à queue courte (Bathytoshia brevicaudata) nous ont régalés pendant au moins 30 minutes d’un ballet, interrompu seulement quand elles fouillaient le sable pour y dénicher une proie. Déjà que la visibilité n’était pas des plus grandioses, quand ces individus de 2 mètres de diamètre s’en donnent en plus à coeur joie à soulever le sable dans leur quête de nourriture, me voilà plongé dans la purée de pois, une pensée pour mon pauvre autofocus qui se débat comme il peut dedans…
Quelques clichés plus tard, notamment lorsque les raies survolaient à tour de rôle l’épave à quelques mètres du fond, retour en douceur au bord. Soudain, je découvre une roussette panthère (Poroderma pantherinum) tapie dans un tuyau de rejet des eaux (je vous rassure tout de suite, hors service). Impossible à photographier. Pas le temps de me lamenter car un peu plus loin, nonchalamment et complaisamment posé sur le sable, un requin tigré (Halaelurus natalensis) fera mon bonheur photographique !
Des couleurs et des roussettes
« Si tu veux des requins, il faut que tu plonges dans le port du Yacht-Club. Il y en a plein. » Fort des conseils de mon guide Eddie, la deuxième plongée du jour, s’effectue donc à l’endroit recommandé. Pour une profusion de roussettes vipérines (Haploblepharus edwardsii) et de roussettes sombres, sans compter les poissons, poulpes et raies qui se baladaient aussi sous les bateaux. La suite de ce séjour verra en alternance des plongées avec les otaries et d’autres dans le kelp (comme à Pyramid Rock ou Wind Mill), où les bancs de poissons et les couleurs flamboyantes des invertébrés qui recouvrent littéralement les fonds de cette côte ne m’empêchaient pas de scruter le bleu, ou plutôt le vert, dans l’espoir d’observer au détour de cette véritable forêt vierge sous-marine la silhouette massive d’un requin plat-nez.
Peine perdue, le miracle ne se produira pas au cours de cette semaine. La faute peut-être à un groupe d’orques qui a écumé les eaux au large du Cap à la période (avant Covid) où j’y étais et qui, outre l’absence des requins plat-nez, seraient également responsables de la mort de plusieurs grands requins blancs, dont les corps échoués sur les plages, montraient le ventre et les tripes à moitié dévorés. Cette discrétion de certains squales lors de mon passage ne doit pas masquer, bien au contraire, que cette région du Cap, et plus particulièrement False Bay, est un haut lieu de la plongée, à l’instar du reste de l’Afrique du Sud. Ce pays réserve bien des surprises subaquatiques tant ses eaux sont riches, même s’il est vrai qu’elles ne sont pas toujours faciles à explorer. Cette semaine, trop courte, ne me donne qu’une envie : y retourner jusqu’à enfin atteindre le Graal, à savoir les quelques espèces de requins qui ont osé se dérober à mon objectif.
Pascal Kobeh
Texte et Photos
Odyssée Requins d’Afrique Australe avec Pascal Kobeh
Safari plongée - 12 nuits - dès 4981 €
du 14/04 au 28/04/2024 et du 20/04/25 au 04/05/25
Cette Odyssée Requins d’Afrique Australe vous offrira d’incroyables rencontres avec les requins d’Afrique du Sud au large de False Bay, ainsi qu’à Ponto do Ouro au Mozambique. Accompagné par le photographe professionnel Pascal Kobeh comme guide Ultramarina, vous aurez l’occasion de vous immerger en petit groupe dans un environnement sauvage en plein Océan Indien. Ce voyage est rare, et promet des rencontres sous-marines spectaculaires. (lire la suite)