Le luxe au bout des palmes
Séjour plongée à l’Atmosphère Resort & Spa aux Philippines
Un reportage de Pascal Kobeh
La définition du luxe n’est pas chose aisée. Est-ce la « business » de Cathay Pacific où l’on se retrouve complètement allongé à 180° à horizontale dans sa coque ? Là, le luxe est synonyme de confort, de repos. Et sur un trajet Paris – Hong Kong, c’est appréciable.
Est-ce encore la taille et l’équipement des chambres de l’hôtel Atmosphere à Dauin ? Là, il est plutôt synonyme de spacieux, de somptueux. Utile quand on peut étaler tout son « bordel » de matériel photo sans se préoccuper de ranger systématiquement les optiques que l’on utilise pas tel jour pour tout remplacer le lendemain en fonction du type de plongée effectuée. Le gazon que ses propriétaires, Anglais, ont voulu à leur image et qui dispense même de la moindre tong ou sandale à ses pieds ? Douillet pour le Parisien habitué à éviter les crottes de chiens dans ses croquenots.
Est-ce l’ambiance qui se dégage de ce même hôtel où les bungalows restent en nombre limité pour une clientèle restreinte. Ici, on lorgne plutôt du côté de l’exclusif, de l’unique avec toute la sérénité et la quiétude que cela implique. Sympathique quand on débarque des embouteillages et de la pollution sonore des moteurs et autres klaxons.
Et si tout simplement le luxe était de plonger (toujours en petit comité, voire tout seul avec le guide) en étant assuré de ramener dans la boîte tout ce que l’on cherche en guise de bestioles peu courantes.
Ainsi, pour reprendre les notes de mes plongées, que dire de l’opistognathe mâle la bouche remplie de sa future progéniture ?
Que dire de la parade des mandarins fidèles à leur « cinq à sept » amoureux à 15 mètres de la plage de l’hôtel ?
Que dire des hippocampes qu’ils soient à queue tigrée (Hippocampus comes) ou hérissés (Hippocampus histrix) ou encore pygmées ou des gorgones (Hippocampus bargibanti) toujours présents là où le guide nous les avait signalés lors du briefing ?
N’est ce pas du luxe que de commander au briefing du petit poisson-dragon (Eurypegasus draconis) et sous l’eau de passer la moitié de sa plongée à essayer de les chopper sous le meilleur angle ?
Quant aux antennaires, après une ou deux plongées, on peut se permettre de faire le difficile et de ne plus s’attarder que sur ceux qui présentent un intérêt particulier, que ce soit dans le comportement, le mimétisme ou les couleurs éclatantes pour le photographe que je suis.
Et passons sur les poissons-lions ou rascasses volantes, sur les poissons-scorpions, qu’ils soient à houppes (Scorpaenopsis oxycephalus), qu’ils soient diables (Scorpaenopsis diabola), ou encore qu’ils prennent l’apparence d’une rascasse ennemie (Inimicus didactylus) enterrée dans le sable.
Ce n’est même plus la peine d’ouvrir de grands yeux pour essayer d’observer des nudibranches. Ils sont partout ! Paradis sous-marin que cette zone centrale des Philippines, les Visayas. Ici luxe rime avec richesse !
Lors d’un séjour antérieur en Indonésie, Paul Humann, sommité américaine en matière d’identification d’espèces marines et auteur de nombreux ouvrages m’avait expliqué la raison de l’extrême richesse des fonds sous-marins de cette région du monde.
L’Indo-Pacifique et plus particulièrement la zone qui va de Bali à l’Irian Jaya (faisant géographiquement partie de la Papouasie-Nouvelle Guinée) en passant par les Sulawesi (ou Célèbes) et qui englobe les Philippines passe pour abriter les eaux les plus riches de la planète.
Riches en termes d’espèces animales représentées. Cela commence par les coraux et toute la faune fixée et rajoute-il, « plus les fonds sont riches en différentes espèces de coraux et faune fixée comme les éponges, crinoïdes etc…, plus ils sont également riches en espèces de poissons. L’un entraîne l’autre ». Et par cercles concentriques, les mers vont en s’appauvrissant en termes d’espèces.
Ainsi, pour prendre un exemple, il existe 118 espèces différentes de poissons-demoiselles aux Philippines, 100 en Papouasie-Nouvelle Guinée, 60 aux Fidji, 30 dans les îles de la Société, 18 aux Galapagos et 16 seulement pour toutes les Caraïbes.
Cette région est donc l’épicentre de la richesse sous-marine mondiale.
Ceci s’expliquerait par le fait qu’il y a un million d’années, la période de glaciation qui a abaissé les niveaux de toutes les mers d’environ 130 mètres a relativement épargné cette partie du monde.
Une autre explication tient à l’extrême variété du biotope marin : herbiers, fonds sablonneux, vaseux, mangroves, roches volcaniques et massifs coralliens, plateaux continentaux et failles profondes, la faune sous-marine n’a que l’embarras du choix.
Le plongeur également est confronté au même éventail de plaisirs divers. Outre les petites bébêtes en tout genre, les plongées que l’on a pu faire offrent également le bonheur de récifs, tombants et platiers encore inviolés et superbes. A la carte « muck dive » comme « Car wreck », « San Miguel », ou « Ginamaan » à Dauin, comme « Ray point » à Alona, ou alors tombant corallien comme « Apo Marine Sanctuary » près de Dumaguette ou toutes les plongées sur l’île de Balicasag vers Alona. Là aussi, la faune promise est au rendez-vous. Pour ce qui concerne les coraux, les éponges, les gorgones et autres anémones, rien de bien difficile.
Les coraux mous Sarcophyton et les madrépores de « Chappel point » à Apo Island en constituent la meilleure preuve, de même que les gorgones de « Doljo » à Alona beach. Mais c’est également le cas des bancs divers et variés comme ces splendides carangues aux gros yeux tant à Apo qu’à Balicasag. Ici luxe veut dire choix. Choix de la petite faune ou des récifs de rêves, de la « macro » ou du « grand angle ». L’excellente visibilité à certains endroits et la pureté de l’eau ajoutent aussi beaucoup au bonheur du photographe. Trente ou quarante mètres sous la surface et parfaitement distinguer les silhouettes de ceux qui remontent au bateau est toujours prétexte à un sourire de délice dans son détendeur.
Vous l’aurez compris, je ne me lasse pas de cette région des Philippines qui à mes yeux, constitue l’un des paradis de la plongée, notamment du « petit » et des beaux récifs. Et si la notion ultime du luxe c’était tout simplement de revenir et revenir encore au même endroit et d’être à chaque fois emporté par l’émerveillement du spectacle sous-marin sans jamais être lassé ?
Pour ma part ce n’était jamais que la quatrième ou cinquième fois que je revenais plonger dans cette zone, et quelles que soient les conditions, je suis toujours partant pour y explorer ses fonds où les rencontres surprendront toujours le plongeur le plus blasé, où la surprise sera toujours au coin du prochain massif de corail ou tout simplement enfouie dans le sable, juste trahie par une bouche et une paire d’yeux.
Pascal Kobeh