L’apnée statique
Équipement, techniques et entrainement à l’apnée statique
L’apnée statique pose les fondations du relâchement en apnée : si l’on apprend à se détendre durant une statique prolongée, on en tirera les bénéfices à exploiter, en distance comme en profondeur.
L’équipement
L’apnée statique ne requiert que peu de matériel : c’est le confort qui prime puisqu’en l’absence de mouvement, il est difficile d’affirmer que tel matériel aura une influence sur les performances. Mais il est certain que le froid est l’ennemi du relâchement ; un vêtement épais, une combinaison d’apnée 2 pièces avec cagoule sert autant à la protection thermique, qu’à procurer un « cocon douillet » dans lequel se laisser porter.
Pour ce qui est du visage, nombre d’apnéistes se passent du masque pour accélérer le réflexe du mammifère marin, d’autres préfèrent le conserver, ou optent pour les lunettes de natation, parfois complétées par un pince-nez ; les derniers se contentent du seul pince-nez. C’est à force d’essais que vous trouverez quelle formule vous procure le plus grand relâchement.
Côté mesure du temps, un athlète qui focalise sur le chrono tout en se disant « je ne dois pas penser au temps », aura peu de chances de se détendre. L’apnéiste a donc avantage à s’éloigner de cette notion de temps, mais le coach, lui, doit savoir quand l’apnéiste va atteindre ou dépasser une limite cruciale.
L’équipement nécessaire en statique est donc plutôt minimaliste : finalement, nous n’avons besoin de guère plus que nos poumons pour retenir notre souffle !
Les techniques utiles
L’apnée statique induit un état d’absence, de détachement. Zen, yoga ou relâchement mental, peu importe. Dans tous les cas, un état méditatif aide à tourner on regard vers l’intérieur, à faire abstraction des distractions et à éloigner l’esprit du temps. Pour les uns, la pleine conscience est ce qui fonctionne le mieux : la formule de Schulz (voir en bas), issue du training autogène est un excellent outil de relaxation. Le « voyage fantasme », un trip mental entre plages idylliques et nage au milieu des dauphins est aussi une option qui convient à beaucoup. Le « body-scan », parcourir son corps des orteils aux cervicales en analysant le relâchement de chaque partie, fonctionne lui aussi à merveille. Et le yoga nidra, qui induit un état de quasi-sommeil, peut s’avérer d’autant plus efficace qu’il sert à préparer l’apnée statique, et à la prolonger.
Les phases de la statique
Durant la phase « easy going », on ressent un bien-être et le besoin de respirer ne se fait pas sentir : c’est là qu’il est possible d’exploiter les méthodes décrites ci-avant, avec une attention particulière pour la nuque, la plus importante dans le relâchement de l’ensemble du corps. Passée la zone de confort arrive la phase de lutte, celle qui accompagne les premières contractions et sépare les « mentalistes » des autres. Au début, les contractions sont particulièrement désagréables ; pourtant quelques secondes après chacune, la sensation de bien-être revient, on retrouve un ancrage jusqu’à la prochaine manifestation du besoin de respirer. La capacité à résister à cette envie dépend autant de la concentration, que de la préparation, que de la force mentale ou des prédispositions physiologiques. Un apnéiste fort en mental devrait pouvoir passer autant de temps en « struggle » qu’en « easy going ». Pourtant, l’apnée est quelque chose de tellement intime dans le rapport à soi-même, que l’on observe des plongeurs capables de tenir plus longtemps dans l’effort que dans l’immobilité. Un paradoxe qui s’explique par la méthode que chacun choisit et qui lui permet de s’oublier (ou pas!) en se laissant porter par le fluide.
Tables d’entrainement
Si le secret de cet oubli de soi réside dans la tolérance de hauts niveaux de CO2, alors le bon entrainement implique d’augmenter autant que possible cette tolérance. À cette fin, nous utilisons des tables CO2 qui se déclinent en différentes formules, dont la plus classique vise à reproduire des temps d’apnée similaires tout en réduisant les ventilations entre chaque apnée. Si cette méthode a certaines vertus, elle a le défaut de ne pas intégrer la maîtrise des contractions. Une approche plus moderne consiste à impliquer les contractions dans la table, de sorte que ce soient elles – et non le chrono – qui dirigent l’effort. On y parvient en réduisant au minimum les phases de ventilation, en se basant sur un temps d’apnée que l’on peut répéter au moins huit fois, et en assurant un modèle qui amène les contractions à se manifester dès la quatrième apnée.
Plusieurs applications sont alors possibles :
1. CO2/temps : l’apnéiste retient son souffle, par exemple 1 minute, respire ensuite seulement deux fois, puis retient son souffle à nouveau pour 1 minute.
2. CO2/contractions : au lieu de se baser sur le temps, seules les contractions comptent. L’apnéiste laisse passer 5 contractions, respire deux fois, puis repart jusqu’aux prochaines 5 contractions.
3. CO2/temps/contractions : Le mélange des deux contraintes élimine le risque d’accepter les contractions plus tôt que son ressenti pour en finir plus vite. Dans ce cas de figure, l’apnéiste doit par exemple retenir son souffle 1 minute après les 5 premières contractions, puis respirer 2 fois, et ainsi de suite pour un cycle de huit apnées. La phase de ventilation réduite entre chaque apnée ne permettant pas d’éliminer tout le CO2, la tolérance progresse au fur et à mesure de l’entrainement.
Le rôle du coach
À priori, le binôme est là pour garantir la sécurité. Mais son rôle inclut aussi le suivi du temps, ainsi que des contrôles réguliers du bien-être de l’apnéiste. Chronomètre en main, il communique au toucher avec l’apnéiste qui répond par un signe okay ou en levant un doigt. Sans le dévaloriser, ce rôle d’ange gardien pourrait néanmoins être attribué à n’importe quelle personne ayant une notion de la gestion d’une syncope. Mais réellement, un bon coach est quelqu’un qui connait son poulain aussi bien qu’il se connait lui-même : le sujet préfère-t-il avoir connaissance du temps qui passe ? Accepte-t-il un léger toucher pour le relâchement des cervicales ou ne souhaite- t-il aucun contact physique ? Aime-t-il mieux qu’on lui parle durant l’apnée ou trouve-t-il son bonheur dans le silence total ? Chaque ressenti est particulier, de même que la capacité à tolérer ses contractions : la qualité du coaching est essentielle et il n’est pas rare de constater que les meilleurs coachs sont davantage de bons psys que des athlètes de haut niveau. Et c’est d’ailleurs cet aspect psychologique et mental qui rend l’apnée statique si fascinante : nul besoin d’être un superman pour se relâcher, et ce ne sont pas ceux qui nagent les plus grandes distances ou atteignent les plus grandes profondeurs qui sont les meilleurs en statique !
Texte et photos : Phil Simha
Techniques d’apnée
Bon à savoir
Le lexique de la respiration
• CPT : capacité pulmonaire totale (4-6 litres en moyenne chez l’adulte, jusqu’à 10 chez les athlètes).
• VR : volume résiduel qui reste dans les poumons après une expiration forcée.
• VRI : volume de réserve inspiratoire qui peut être emmagasiné après une inspiration normale.
• VRE : volume de réserve expiratoire qui peut être évacué après une expiration normale.
• CRF : capacité résiduelle fonctionnelle, soit le volume résiduel plus le volume de réserve expiratoire.
La formule de Schulz adaptée à l’apnée
Issue de l’hypnose médicale, cette formule répétée en litanie a un effet incroyablement relaxant sur l’organisme.
• La pesanteur : mon bras droit est lourd, mon bras gauche est lourd ; ma jambe droite est lourde, ma jambe gauche est lourde ; mes bras et mes jambes sont agréablement lourds…
• La chaleur : mon bras droit est chaud, mon bras gauche est chaud ; ma jambe droite est chaude, ma jambe gauche est chaude ; mes bras et mes jambes sont agréablement chauds ; mon plexus solaire est inondé de chaleur…
• Le contrôle du coeur : je suis totalement détendu, mon coeur bat calmement ; mon rythme cardiaque est comme une vague qui va et vient…
• Le contrôle mental : quelque chose en moi se resserre ; je ressens une pression, cela n’est pas désagréable ; les contractions se manifestent, je les tolère ; le besoin de respirer est fort, je sais que mon corps dispose d’assez d’oxygène…