Cenotes, au coeur du Yucatan
Voyage au Mexique avec Bleu Autrement
Un reportage de Serge Barth, guide de bleu Autrement
Juillet, Mexique. Le soleil couchant embrase l’horizon tandis que les roues de l’Airbus A-330 touchent en douceur la piste de Cancun, principale ville du Quintana Roo, qui borde au nord la péninsule du Yucatan. Heureux de pouvoir enfin nous dégourdir les jambes après les dix heures de vol depuis Paris ! Dès que les portes s’ouvrent, la chaleur moite envahit la cabine, portant l’odeur si caractéristique de terre et de bois mouillés, mélangée à celle plus forte du kérosène chaud. Souvenirs... Après de longues années d’absence, notre objectif pour ce retour au Yucatán est l’immersion dans les trous d’eau de la jungle, les fameux cénotes.
Un peu de géologie
Il y a quelque 60 millions d’années, une ère glaciaire sans précédent concentrait la glace sur les deux pôles, abaissant le niveau des océans de façon très significative, faisant émerger dans le Sud-Est de l’actuel Mexique un gigantesque plateau calcaire. La péninsule du Yucatan venait de naître. Selon les experts, ce même plateau aurait été auparavant profondément fracturé par la chute de la météorite géante Chicxulub, celle à laquelle nous attribuons la disparition des dinosaures...
La végétation est apparue. Les eaux de ruissellement, chargées d’acide carbonique, se sont infiltrées dans la roche poreuse. Petit à petit, les anfractuosités se sont élargies, créant un réseau souterrain de plus en plus vaste, façonnant des grottes, les décorant de stalactites géantes comme autant d’immenses cathédrales souterraines. Sous leur propre poids, les voûtes de certaines de ces grottes se sont alors effondrées...
Plus tard, il y a environ 150 000 ans, le réchauffement de la planète a fait remonter l’eau des océans jusqu’à leur niveau actuel. Cette eau salée s’est infiltrée dans l’immense gruyère calcaire qu’est le Yucatan, inondant pour partie les réseaux et les grottes, formant une couche de fond plus dense, sur laquelle vient encore aujourd’hui reposer et circuler l’eau douce des pluies.
Les cénotes
En débarquant au Yucatan, les Espagnols ont traduit par cenote le mot maya dzonot qui désignait ces puits d’eau douce, également objets de cultes et de sacrifices. On appelle donc cénotes les accès à ce colossal réseau hydraulique fort de plusieurs milliers de grottes et de kilomètres de galeries. Ainsi, pour la seule partie orientale de la péninsule, plusieurs centaines de cénotes ont été découverts, explorés et répertoriés depuis le début des années quatre-vingt ! À l’échelle géologique, on peut dire que cette découverte date d’hier...
Certains de ces cénotes sont suffisamment grands et lumineux pour y pratiquer la plongée en toute sécurité. Douze sont ainsi ouverts au public dans la zone comprise entre Cancun et Tulum. Bien que chaque cénote possède ses propres particularités, ils présentent cependant tous des points communs : accès facile bien signalé, parking avec toilettes, approche aisée et sécurisée dans la jungle. Et, bien sûr, une eau de cristal à la température constante de 24 °C, été comme hiver !
Les règles d’accès pour plonger dans les cénotes sont claires et de nature à donner confiance même aux plus claustrophobes d’entre nous : guides certifiés, expérimentés et suréquipés (bi-bouteilles, détendeurs et phares redondants...), parcours équipés de fils d’Ariane fixes, profondeur maximum 20 m, distance entre deux accès à l’air libre de 60 mètres au maximum. Il existe bien entendu des dizaines d’autres réseaux à explorer, mais il s’agit alors de plongée souterraine, qui nécessite formation adaptée et matériel spécifique. Ce témoignage traite uniquement de plongée loisir.
Une expérience sensorielle extraordinaire
Nous nous mettons à l’eau dans le cénote de Chac Mool, qui communique plus loin avec la grotte de Kukulkan (divinité maya du serpent à plumes) : parcours balisé de 400 mètres au total, profondeur 16 m au plus, durée d’immersion 50 minutes. L’eau est comme du cristal, les plongeurs semblent flotter dans l’air ! Dans la première partie, les éboulis effondrés de la voûte abritent une vie insoupçonnée de petites perches et de poissons chats curieux et attirés par nos phares. Un coup d’œil vers la surface, des centaines de guppies (!) frétillent à la surface, troublant les reflets de la jungle et les rayons du soleil.
Quelle beauté ! Nous suivons le fil d’Ariane au travers de larges cavernes, observant comme dans un film au ralenti les piliers de calcaire beiges, roses ou bleutés, qui jalonnent notre progression. Vers 10 m de profondeur, une halocline marque la limite entre les deux couches d’eau salée, plus lourde, et celle de l’eau douce, créant des effets d’optique hallucinants... Au fond, la grotte de Kukulkan nous attend dans une obscurité presque totale, sauf... un trou dans la voûte, d’environ 30 cm, laissant passer un rayon de soleil en milieu de journée, tel un laser céleste qui vient frapper le fond de l’eau ! Ambiance et adrénaline garanties... Mais il faut rentrer, la mi-bouteille est fixée à 120 bars, et il est temps de faire demi-tour. Retour vers l’entrée, le soleil, la lumière et la chaleur.
Controverse : chaleur thermique ou psychologique ? Comment expliquer cette sensation de bien-être thermique en fin de plongée, au retour vers la surface ? Tout simplement parce que la plongée en cénotes se fait pratiquement sans bouger, pour ne pas soulever de sédiments – le palmage à privilégier est d’ailleurs celui dit en grenouille –, et qu’après 30/40 minutes sous l’eau, le froid s’installe, malgré nos combinaisons intégrales de 3 mm. Il est tout à fait curieux de ressentir cette sensation de chaleur, tandis que la température de l’eau ne varie pas ! Notre cerveau réagit-il aux stimuli de la lumière et du soleil lors du retour, transmettant au corps une fausse sensation de chaleur ?
Ambiance différente dans les cénotes de Dos Ojos (en français, les deux yeux), où nous effectuons deux plongées successives le lendemain. Il s’agit en fait de deux très grandes cavernes qui se font face de part et d’autre d’une entrée principale, où s’effectue la mise à l’eau. À l’entrée, sous la voûte, les hirondelles partagent l’espace avec les chauves-souris, et nous accueillent en virevoltant autour de nos masques. Nous glissons dans une eau d’une pureté extraordinaire, nous faufilant entre d’imposantes stalactites et stalagmites, jouant dans les jeux d’ombres de nos phares. La seconde grotte, beaucoup plus sombre et truffée de larges boyaux de communication, offre aussi une visibilité exceptionnelle.
Ces deux cénotes ont la particularité de ne pas avoir d’eau salée, en tout cas pas dans la partie ouverte au public, donc pas de turbidité et une vision de cristal en permanence. Au fond de la caverne, nous émergeons dans bat cave (la grotte aux chauves-souris) et papotons quelques minutes gilets gonflés, avant de nous réimmerger dans les jeux d’ombres. Tout au long des 700 mètres de ce parcours sous l’eau (en deux temps tout de même !), nous avons croisé, outre les hirondelles, des crevettes albinos, des poissons chats, de gros gobies dans les roches, et des petits bancs d’ablettes. Bref, de la vie partout ! Et à chaque fois, le retour vers la surface s’accompagne du plaisir de retrouver la chaleur, et d’un vague à l’âme inexplicable en quittant ce monde de tranquillité.
Nous finirons notre visite des cénotes par celui d’Anjelita, à quelques kilomètres au Sud de Tulum, que l’on atteint après 5 minutes de marche dans la jungle (bonjour, amis moustiques...). Il s’agit d’un gros puits de 30 mètres de diamètre environ, qui descend bien vertical jusqu’à 60 m, et donc réservé à des plongeurs expérimentés et maîtrisant parfaitement leur flottabilité. La voûte s’est effondrée en totalité, comblant partiellement le puits, le sommet du tumulus atteignant au centre la profondeur de 25 m. Mais la particularité de ce cénote, c’est la présence d’un nuage de sulfure d’hydrogène de plusieurs mètres d’épaisseur, entre l’eau douce et l’eau salée : on commence par sauter du bord – 2 bons mètres de haut –, puis on descend 25 mètres dans une eau invisible à force d’être cristalline, avant d’atteindre cette fameuse couche de couleur blanche orangée, que l’on traverse sans aucune visibilité (mais avec une vraie odeur...), avant d’atteindre l’eau salée vers 30 m. À la descente, c’est l’adrénaline garantie par ce qu’il faut bien appeler de l’angoisse, et à la remontée c’est encore de l’adrénaline, mais par la beauté du spectacle lorsque le masque sort du nuage. Quelques branches d’arbres, plantées ici et là sur le tumulus de terre, émergent du nuage tels des bras fantomatiques... Un souvenir dans les tripes !
Texte : Serge Barth - Bleu Autrement
Photos : Pascal Kobeh - Phocea Mexico - The Reef Marina
Odyssée Viva Mexico
Séjour plongée - 11 nuits
Du 12/03 au 24/03/2021
Notre safari "Viva Mexico" propose une belle balade pour découvrir la partie la plus orientale du Mexique : la péninsule du Yucatan, terre des Mayas. Ce safari est accompagné par notre guide Serge, qui connaît bien cette région du Mexique où nous nous rendrons. C’est un voyage exceptionnel, sur mesure, car il combine la découverte de spots sous-marins diversifiés, tout en laissant du temps pour la détente, les visites, et les rencontres avec les autochtones ! (lire la suite)